Je me rappelle d’un jour, il y a quelques années, où j’avais été invité à joindre un groupe de photographes qui avaient pu obtenir une journée à travailler sur le sujet des GFM historiques, un convoi étant à leur disposition pour réaliser des clichés dans la verte Gruyère.
La lumière était parfaite, les ombres éloquentes, jusqu’aux prés qui semblaient avoir été lustrés exprès pour l’occasion. Le conducteur de la locomotive était aux petits soins pour
cette équipe de passionnés, négociant les temps disponibles sur la voie avec les meilleurs cadrages à leur offrir. C’était sans compter avec les poteaux et les caténaires qui n’entraient pas toujours dans les vues des plus perfectionnistes. Et que je t’avance la loco de 3 mètres, ou non plutôt la reculer de 5 si on veut encore avoir le sapelot au premier plan! Bref, il avait fort à faire pour contenter son petit monde et leurs contraintes techniques.
Pendant ce temps, je me régalais dans mon coin, mon pinceau se jouant avec un tantinet d’arrogance de ce genre d’obstacles, gommant ou ajoutant des poteaux, au gré de la réalité …ou de la fantaisie, sur mon carnet de croquis. Je pense même que j’ai dû mettre parfois moins de temps pour réaliser une aquarelle que certains de faire une dizaine de clichés. Bref, j’aurais volontiers commencé à rigoler de leur embarras.
Mais ça, c’était bien avant que je découvre les réalisations de Boris (et d’autres photographes de talents, à dire vrai)! Là, j’ai compris qu’il y a des effets, des moments uniques à saisir dans la seconde, des sujets qu’on n’oserait pas effleurer en peinture, et qui seront à jamais le domaine privilégié de la photographie. C’était sans compter sur un aspect, une attitude que nous avons déjà en commun.
Une petite pointe de jalousie entre nous, photographe et aquarelliste? Aucune chance: nous partageons déjà la même sensibilité et surtout le même regard, ce qui est l’essence de l’art. Et si cela ne devait pas suffire, notre amitié ferait largement l’appoint!
Je me réjouis donc d’autant plus de tes succès à venir et des merveilles dont tu vas continuer à nous épater et à nous régaler, pour notre plus grand plaisir.
Bernard Devaud, peintre et aquarelliste